Les chiens, les patrons, les guerres, et l'info

                    Au début du mois dernier, Didym’e Pambou-Dimina, « fidèle » auditeur congolais résidant à Douala, au Cameroun, saisit son clavier pour dire sa lassitude d’entendre toujours les mêmes informations :

                   « Je suis fatigué de suivre le Journal du Moyen-Orient ou d'écouter vos correspondants en Israël, à Gaza, en Irak ou au Liban. Finalement, quoi de plus facile que de présenter le journal du Moyen-Orient !

                   « En fait, qu'est ce que l'information ? Dire que "le chien a mordu son patron" est-ce une information ? En effet, n'y aurait-il pas d'autres "informations" que de nous parler de la guerre, du nombre de morts ! Nous voulons aussi connaître ce qui se passe là-bas : l'école, le marché, le sport, la musique, etc.

                   « Il me semble que l'information consisterait à nous dire surtout que "le patron a mordu son chien".

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                    Manifestement, notre auditeur faisait là allusion à cet axiome fondateur du journalisme répété dans toutes les écoles : « Un chien qui mord un homme, ce n’est pas une information ; un homme qui mord un chien, voilà une information intéressante. »

                    On lui a donc demandé de préciser sa pensée. Ce qu’il fait sans hésiter :

                    « Je me réjouis de votre réaction et toutes mes félicitations à RFI pour cette marque d'attention ! En ce qui concerne les expressions "un chien a mordu son patron" ou "un patron qui mord son chien", j'ai voulu exprimer l'idée selon laquelle une information devrait avoir un caractère "nouveau", "pertinent", informationnel et symbolique ; informer n'est-ce pas donner des "nouvelles" ?

                    « Dès lors, annoncer qu'"un chien a mordu son patron" est-ce une nouvelle au sens de renseigner ou de dire quelque chose de nouveau ? Est-il extraordinaire qu'un chien morde son patron ? N'est-il pas avant tout un chien ? Le patron n'est-il pas avant tout une personne ? Qu'y a t-il de nouveau, de pertinent dans "cette information" ? A contrario, lorsqu'on dira qu'un patron a mordu son chien, cela sera plus pertinent et suscitera beaucoup de questions.

                   « En suivant donc le Journal du Moyen Orient présenté tous les soirs par Kamel Djaider, on a l'impression d'entendre toujours les mêmes choses : tirs de roquettes, tant de morts, la guerre, processus de paix, etc. comme s’il n’y avait pas d’autres "nouvelles" à nous donner. En effet, nous savons déjà qu’il y a la guerre dans ces pays et donc dire encore et toujours ces choses reviendrait à dire que  "un chien a mordu son patron", donc une évidence.

« Nous voudrions qu’on nous dise - sur le Moyen Orient - qu’"un patron a mordu son chien", c’est-à-dire nous parler d'autre chose que ces évidences que sont les guerres !

« Merci de réserver bon accueil à mon intervention. »

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                    Bien sûr, nous entendons le message de Didym’e. Il est loin d’ailleurs de concerner le seul journal du Moyen-Orient. Je suis persuadé que nous aimerions tous parler d’autre chose que des guerres, que des conflits et leurs cortèges de souffrances. Mais par égard même pour ces souffrances, que dirait-on si on laissait tomber en plus la chape du silence sur cette récurrente, mais bien réelle actualité ?

                    C’est plus difficile dans les journaux d’information, qui sont par définition des résumés d’actualité « chaude », mais regardez bien la grille des magazines, émissions spéciales et chroniques diverses que propose RFI. Il y a vraiment des ouvertures considérables, même sur ces pays en guerre, sur leur vie au quotidien, sur leurs réalités culturelles, scolaires, médicales, etc. Sans doute plus que sur toute autre radio, francophone en tout cas.

                    Et des émissions comme Elan, Idées, ou  Afrique plus, si ce n’est Le Coq chante ou Reines d’Afrique, j’en passe et des meilleures, remplissent cette fonction de dépasser le factuel, et parfois même, de dépasser le seul pessimisme décourageant.

                    Puisse RFI vous aider, malgré tout, à garder le moral.

Loïc Hervouet, médiateur