Les compétences en cause

                    « A partir du  moment où l’un des principaux reproches adressés, non sans raison, à la corporation, est son arrogance, sa propension à se constituer en aristocratie autonome et supérieure habilitée à demander des comptes à tout le monde sans être contrainte d’en rendre à personne, beaucoup ont sincèrement cru que le salut viendrait du tiers-état – d’honnêtes citoyens soucieux du bien public. (…) « Mes lecteurs en savent plus que moi ». Le hic est que cette séduisante formule est fausse. Que nombre de journalistes ne sachent pas grand-chose ne permet en rien de conclure que ceux qui ne le sont pas en savent plus. Au demeurant, la conception égalitaire du savoir, le refus de toute distinction et de toute hiérarchie auxquels Internet fournit une légitimité morale et une incarnation technologique, mettent en cause la compétence spécifique du journaliste, mais aussi toutes les autres. »

                     Philippe Cohen et Elisabeth Levy, in « Notre métier a mal tourné », essai, 232 pages, éditeur Mille et une nuits