A propos de Gaza

Plusieurs auditeurs se sont dits «indignés» de la manière dont RFI traite l'opération militaire israélienne à Gaza. Nous serions «partisans», «subjectifs», «de parti pris», en faveur d’Israël.

Ces auditeurs sont peu nombreux, et se sont surtout exprimés la première semaine du conflit, mais leurs remarques méritent réponses et réflexion. Et cela même alors que la médiatrice que je suis estime la couverture de la guerre entre Israël et le Hamas d’une très grande honnêteté.

 

Willy, qui nous écoute à Phnom Penh, au Cambodge, a été particulièrement choqué par un de nos journaux du 4 janvier : « alors qu’au même moment des troupes israéliennes, appuyées par l’aviation, la marine, l’infanterie et des chars pilonnaient allègrement Gaza et ses innocentes populations, nous avons eu droit à un reportage de votre envoyé spécial qui nous faisait part des réactions de quelques israéliens, dont la vie était perturbée par quelques roquettes tirées de temps en temps. N’est-ce pas malsain ? ». Présentée ainsi, la critique paraît recevable. Mais notre auditeur ne tient compte ni du contexte, ni de l’ensemble de l’information donnée sur RFI 24heures sur 24.

 

Depuis le début de l’offensive israélienne et jusqu’à aujourd’hui, aucun journaliste ne peut se rendre à Gaza. Seuls des journalistes palestiniens, qui travaillent sur place, continuent à rendre compte du conflit et à diffuser des images. Cette interdiction vient du gouvernement israélien, et c’est, pour les journalistes, qui ont le devoir d’informer, et pour le public, qui a le droit de savoir, intolérable.

Alors, comme les autres médias, nous nous débrouillons autrement pour faire connaître la situation au sein de la bande de Gaza : nous recueillons des récits, des réactions, des commentaires par téléphone. Ces témoignages sont nombreux, et ont été largement diffusés sur l’antenne de RFI. Bien sûr, un reportage sur le terrain, au sein de la population, prend une toute autre force. Il permettrait aussi de vérifier certaines informations fournies aujourd’hui par des habitants de Gaza, que nous ne pouvons donner, faute de preuves. D’où sans doute la réaction de Willy.

 

Soyons juste envers la rédaction de RFI : des reportages ont été faits auprès de la population palestinienne de Cisjordanie, et à Jérusalem Est. J’ajouterai qu’il n’est pas indécent de faire entendre aussi la voix des israéliens, de la rue israélienne… Ils sont concernés, et ils ont des choses à nous dire.

Mais quand un de nos journalistes a expliqué à l’antenne, à la demande d’un auditeur, ce que voulait faire l’armée israélienne dans la bande de Gaza, il a fait bondir Moncef, de Paris : « vous êtes les défenseurs de l’armée israélienne ». Non, mais la rédaction considère qu’il faut expliquer les stratégies et les objectifs des deux parties, et elle a raison.

 

Ferdinand, auditeur de Douala, au Cameroun, partage les objections de Willy et ajoute cette interrogation : "avez-vous donné la parole à un seul représentant du Hamas? A combien de juifs avez-vous donné la parole?" Ferdinand a raison : il n'a pas pu entendre de représentants du Hamas à Gaza pour la bonne raison que depuis le début de la guerre, et malgré les efforts répétés de la rédaction, ils ne sont plus joignables sur leur portable, alors qu'on les interrogeait régulièrement avant. Mais Ferdinand est malgré tout injuste : le représentant du Hamas au Liban a été interrogé par RFI. Et de nombreux invités ont exprimé et expliqué le point de vue des Palestiniens, y compris de ceux proches du Hamas. Depuis le 27 décembre, si l'on s'en tient aux invités du matin (8H20 heure de Paris), trois israéliens ont été invités à s’exprimer, quatre palestiniens ou pro-palestiniens. Cela sans compter les très nombreux autres invités, à 13H15 (heure de Paris) et à 18H40 (heure de Paris), acteurs ou observateurs du conflit. La liste en serait trop longue.

 

Evidemment, pour les auditeurs révoltés par l'offensive israélienne, défenseurs de la cause palestinienne, cette arithmétique, cette recherche de l'équilibre dans les points de vue n’est pas satisfaisante. Pour eux, la victime est le peuple de Gaza, il faut donc privilégier la parole de la victime. Cette question est fondamentale, et je vous assure que les journalistes se la posent, eux aussi. Mais il faut admettre que la démarche journalistique n'est pas, ne doit pas être une démarche partisane, militante, en tout cas pas dans une radio d’information générale et internationale comme RFI. Il faut que nos auditeurs convaincus de la justesse de leur dénonciation d’Israël admettent que d'autres ont des convictions opposées. Et oui, d’autres auditeurs pensent que le peuple d'Israël est la victime du Hamas. Ce qui fonde la démarche journalistique, dans ce type de conflits, ce sont – par delà les convictions – les faits, qu'il faut relater, expliquer, "sourcer" comme l'on dit dans notre jargon : qui donne l'information, qui parle, et d'où? Et tous les éléments d’analyse, qui permettent de comprendre.

 

Le conflit israélo-palestinien fait partie des guerres les plus difficiles, les plus délicates à "couvrir", à "traiter" pour un journaliste. Tout y est passion, incompréhension, intolérance. Tout y est souffrance depuis tant et tant d'années.

 

Merci à tous de nous aider, même par votre outrance, à rester vigilants.

 

Dominique Burg

1 Comments

Ce type de critiques, dans un sens ou dans un autre, se retrouve sur la plupart des sites médias. A tel point que l'on peut se demander si ce n'est pas la meilleure réponse et l'illustration de l'absence de partialité. Je pense que RFI comme beaucoup d'autres médias couvre ce conflit aussi bien qu'elle le peut.