Un monde sans journaux

 

Vous inviter à ouvrir un livre, et à réfléchir : est-ce le travail de la médiatrice ? Je le crois, tant le bouleversement que nous sommes en train de vivre, vous, auditeurs, téléspectateurs, lecteurs, internautes, et nous, journalistes, va transformer notre destin commun. Pour nous aider à comprendre la révolution médiatique en marche, Bernard Poulet, rédacteur en chef à l’Expansion, vieux routier de l’enquête, du reportage et des affaires internationales, publie, aux éditions Gallimard, « la fin des journaux et l’avenir de l’information ».
 
L’hypothèse est simple, et choquante : dans dix ou quinze ans, la presse écrite, les journaux, auront disparu. Les télévisions et radios généralistes déclineront, elles aussi, sous l’effet conjugué des mutations économiques et culturelles. Le processus a déjà commencé. En cause, les coûts de fabrication de l’information, la publicité, qui préfère le numérique au papier, les journalistes et leurs patrons, qui n’ont pas su se remettre en cause, bien au chaud dans la fausse certitude d’exercer un « quatrième pouvoir ». Mais surtout, le mariage extraordinaire d’une nouvelle façon de penser le monde, et d’un outil, Internet. Bernard Poulet, en s’appuyant sur des enquêtes conduites notamment aux Etats-Unis et en Europe, trace le profil d’un jeune citoyen façonné par « la culture de l’impatience », le « narcissisme » , « l’individualisme », « le culte de la vitesse », l’exigence du « tout gratuit », mais aussi habité de cette croyance que ceux dont le métier est d’enquêter, de raconter, de vérifier, sont moins crédibles que le simple témoin. Plus nouveau, l’information elle-même, telle que nous la connaissons, intéresse de moins en moins.
Internet, ses sites et ses blogs prennent donc le relais des journaux, des radios, des télés. Goulument, efficacement, joyeusement. Pour notre plaisir, le vôtre, et le mien. Mais en nous laissant perdus dans un fabuleux désordre où l’illusion de l’égal accès à la connaissance masque de très réels intérêts économiques. Ce qui est en cause, pour l’auteur, ce n’est pas « l’avenir des journaux imprimés » ni leur supposée « supériorité », mais « la possibilité de continuer de produire et de diffuser une information de qualité ». Et de préciser : « ce qui risque de nous manquer, ce qui nous manque peut-être déjà, ce n’est pas Le Monde ou Le Figaro, mais la possibilité de financer, quel que soit le mode de diffusion, le travail du journaliste, en particulier les enquêtes longues et coûteuses ». Les analyses de Bernard Poulet peuvent sembler sévères, et pessimistes. Elles se veulent simplement lucides. Elles ont l’immense mérite de nous obliger à réfléchir sur la place qu’occupent le journaliste et le citoyen, sur cette « scène publique commune » désormais éclatée.
 
Dominique Burg

2 Comments

J'admire votre article, en effet c'est la crainte totale du support de l'information! Un monde sans journaux ne sera jamais un monde parfait!

Bonjour, je ne pense pas que les craintes doivent porter sur la nature du support de l'information, la presse écrite offre le même degré de confusion et de désordre que l'information dite numérique.
La vraie question est de savoir pourquoi un lecteur abandonnera ses convictions pour adopter les dernières en date.
A mon sens, ce qui fait frémir n'est pas la disparition de l'information, c'est celle d'un lectorat lucide, conscient, perspicace et capable de discernement.
Il s'agit bien sur d'un thème rebattu, mais qui, sinon les médias d'informations dominants ont obtenu ce triste résultat ?
Et qui, sinon les professionnels qualifiés, peut y apporter remède?
Radio France est un exemple du modèle à encourager, comme beaucoup d'autres.
Un monde sans journaux ? inquiétant.
Quid d'un monde sans lecteurs ?

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