Aux auditeurs de RFI, leur radio, en grève

Nous sommes le 11 juin, la situation est bloquée à RFI et le conflit perdure. Pour les raisons évoquées dans le texte ci-dessous, écrit le 22 mai, et que je laisse donc inchangé. 

Pas plus que mes collègues médiateurs de presse, je ne dois intervenir dans le domaine social. Mon rôle n’est pas d’arbitrer les conflits, encore moins de contribuer à les solutionner, quand bien même ils touchent RFI ! Aujourd’hui pourtant je pense devoir vous en dire quelques mots, à vous, auditeurs orphelins de vos programmes, à vous qui me demandez des explications, qui exprimez pour beaucoup votre incompréhension, pour d’autres votre soutien, pour beaucoup votre colère, alors qu’une grève perturbe l’antenne de RFI depuis le 12 mai.

 Clarisse interpelle la médiatrice en ces termes :

 « Je me permets de vous solliciter pour en savoir plus sur les revendications de l'équipe de RFI qui est actuellement en grève. Il est vrai que sur vos antennes nous avons une information toujours complète mais en l'occurrence nous avons eu peu d'informations sur les raisons précises des différents épisodes de grève que traverse la radio (à moins bien sûr que j'ai manqué ce moment). J'aimerais réellement en savoir plus.
Merci. »
 
Comme elle, d’autres auditeurs s’interrogent. Ainsi, Joseph, de Lubumbashi : « la grève sans fin de RFI nous agace sérieusement, veuillez svp nous en donner les enjeux ».
 
Cécile, de Johannesburg : « depuis une semaine maintenant je n’ai que de la musique. Je ne sais pas pourquoi je ne reçois plus RFI avec toutes les émissions. Pourriez-vous me dire si quelque chose a changé. Ces émissions me manquent énormément ».
 
Claude-Bernard, de Maroua, au Cameroun : « je suis un de vos fidèles auditeurs, j’aimerais savoir pourquoi RFI est toujours en grève constamment ? A quand le retour à la normale ? »
 
C’est bien connu : les journalistes, dont le devoir est d’informer, le font très mal, ou pas du tout, dès lors qu’il s’agit de leur propre entreprise. A cela plusieurs raisons. Une certaine réticence, d’abord, à détailler les termes d’un conflit interne, qui n’intéresse pas nécessairement les auditeurs, ou les lecteurs. Et une vraie difficulté pratique : dans le cas d’un conflit comme celui que vit RFI, qui va communiquer ? La direction, les salariés, les deux ? Et pour dire quelle vérité? Les avis sont partagés, y compris chez les salariés, les points de vue sont contradictoires, parfois franchement antinomiques. Une déclaration des uns appellerait un démenti des autres. L’information, ou la non-information, finit pas devenir un enjeu… Alors, faute de bonne solution, c’est le silence qui règne, et, pour nos auditeurs, une réelle impression d’abandon.
 
Je me garderai d’analyser et de juger la crise sociale qui secoue RFI. Je me contenterai d’essayer de vous éclairer sur ses origines, et son contexte. Il existe désormais aujourd’hui en France une société nationale de programmes dont l’Etat est actionnaire unique : l’Audiovisuel extérieur de la France. RFI, comme la télévision France 24, et pour partie TV5monde, en sont les filiales. Les missions de RFI sont inchangées. La direction de l’AEF et de RFI estime que, pour retrouver et préserver l'équilibre budgétaire et mieux adapter la radio aux évolutions géopolitiques, il convient de réduire le nombre de salariés, journalistes, techniciens, assistants, réalisateurs, personnel administratif. Elle a donc présenté un « plan global de modernisation » et un « plan de sauvegarde de l’emploi ». Autrement dit un projet pour RFI et un plan de réduction des effectifs, portant sur 206 postes, 34 devant, ultérieurement, être créés (RFI rassemble aujourd'hui plus de 1000 personnes). Ce plan implique la fermeture de 6 rédactions en langues étrangères. Certains salariés pourraient se porter volontaires au départ, d’autres y seraient contraints. La mise en œuvre de ces projets obéit à des procédures longues et complexes de discussions avec les représentants du personnel qui sont prévues par le code du travail. Depuis plusieurs semaines, ces discussions sont engagées, mais n’ont pas encore abouti. Les représentants du personnel contestent le plan de suppression de postes, certains réclamant purement et simplement son retrait. Le blocage se traduit aujourd’hui par une grève qui empêche une partie de la diffusion de RFI.
 
Certains d’entre vous comprennent la réaction des salariés de RFI. C’est le cas de Fabien, qui nous écrit de Prague : « je vous envoie par ce message tout mon soutien aux grévistes, des obstinés, des amoureux d’un journalisme libre et de qualité ».
 
Nafissatou, de Lomé, au Togo : « cette grève nous perturbe tous mais nous la comprenons et vous soutenons. Courage, ça va aller ! »
 
Mais parmi ceux qui nous écrivent, vous êtes beaucoup plus nombreux à dénoncer ce mouvement social :
 
Koné, d’Abidjan : « Je ne comprends pas qu’une radio qui se veut « radio mondiale » soit tout le temps en grève. Vous frustrez vos nombreux auditeurs. Il est rare que la BBCI soit en grève comme vous le faites ».
 
Ulla, de Buenos Aires : « Même en grève, vous pourriez quand même faire un effort pour les français et les francophones à l’étranger ! »
 
Stéphane, de Bamako : « RFI ne remplit pas sa mission de service public avec ses grèves". 
 
Didier, qui nous écoute à Dakar : « dialoguez, mais cessez de bloquer les ondes. Il y en a marre d’être pris en otage. »
 
Abdoul-Karim, de Fès, au Maroc : « Une grande radio comme la RFI doit pouvoir régler ses problèmes internes en toute tranquillité sans que cela influe autant sur le programme ».
 
Elysé, d’Antananarivo : « on est privé de nos rendez-vous habituels avec la RFI. On est profondément préoccupé…Merci de faire le nécessaire pour revenir aux conditions normales rapidement. On comprend votre bataille mais tâchez quand même d’avoir un souci respectueux pour un de vos fidèles auditeurs de Tanà devenus ces temps-ci des victimes « collatérales », et ce à son corps défendant ». 
 
Guyaule, de Yaoundé, au Cameroun : « pour moi vous êtes les meilleurs, j’écoute RFI plus que les radios locales. Mais pourquoi vous grévez autant ? »
 
Ces questions concernent donc les moyens d’action utilisés dans une entreprise en cas de désaccord profond entre une direction et son personnel. Et ce sont des vraies questions, que se posent les organisations syndicales, à RFI comme dans toutes les entreprises de France, et notamment les entreprises de service public. Les historiens, les sociologues, pourraient vous expliquer les origines de cette spécificité française, qui fait que le dialogue social s’inscrit davantage dans la confrontation que dans le compromis. Et que le vieux débat politique et syndical – réformisme ou révolution – laisse encore quelques traces…
 
Et pourtant, ils sont fidèles et attachés à leur radio, les auditeurs de RFI. Ils nous le disent :
 
Casey, de Boston, aux Etats-Unis : « pardonnez l’anglais, s’il vous plaît. Your podcast for the « journal en Français facile » has actually been « RFI musique ». I wanted to write and let you know. Thank you for this program, I am big fan”.
 
Brahima, d’Abidjan : «  RFI est devenue une partie de mon corps et je suis un mordu de l’information. Lorsque RFI n’émet pas je souffre dans ma chair ».
 
Kristen, sur la côte est des Etats-Unis : « Are you still on strike ? I miss my RFI ! »
 
Morten, de Stavanger, en Norvège, dont je me permets de corriger (un peu) ses fautes de français : « je ne parle pas français bien du tout, mais en raison de la Radio France Internationale, je comprends maintenant le français et c’est possible pour moi de l’écrire aussi un peu…RFI est le seul diffuseur dans ma région qui me donne les actualités internationales…Nous n’avons plus les actualités tout le temps. C’est vraiment une tragédie pour les norvégiens qui comprennent la langue française ».
 
Pour conclure, cette suggestion de Malick, qui nous écrit de Port Louis, à Maurice : « je souhaite que vous impliquiez les auditeurs dans la recherche de solutions, l’avenir de cet outil nous interpelle tous. Nous sommes fondamentalement francophones et ne sommes pas prêts à encore perdre du terrain face à l’anglais. 206,  c’est beaucoup, mais tout est négociable ».
 
Impliquer les auditeurs ? Une belle idée. 
 
Merci à vous tous de cette formidable et exigeante fidélité!
 
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102 Comments

Vive la grève : je souhaite une grève à rallonge afin que RFI disparaisse et soit enfin remplaçée par une véritable radio démocratique. IL Y EN A MARRE DU POLITIQUEMENT CORRECT ET DE L'IDEOLOGIE DE GAUCHE. La France ce n'est pas que la gauche.

Je suis francophile et je adore l'Hexagone,Je suis un passionné des médias et de radio mais surtout de RFI.

Tout d'abord je m'appelle Giovanni Lombardo, je suis totalement italien, je vis en Italie et je ne travaille malheureusement pas pour RFI, pour moi c'est seulement un rêve. J'ai 27 ans, je suis d'origine sicilienne, je vis à Bologne dans le nord de l'Italie, j'ai une passion pour RFI, j'écoute RFI depuis 1997, RFI est une passion que j'ai depuis beacoup de temps. Je suis très attaché à vous tous de RFI , j'étais un adolescent c'est-à-dire de 15 à 18 ans à cette époque là j'ai écouté RFI sur les ondes courtes et après sur WorldSpace.

Au moment que je suis venu au courant des difficultés de RFI je pensais "Il est le temps d'agir pour sauver Radio France Internationale".Pour moi vous êtes ma famille, depuis 1997, je me réveille le matin avec RFI, je vais déjeuner et dormir avec RFI, RFI a été proche de moi dans le moments difficiles de ma vie, alors RFI est important pour moi et je suis dans l'angoisse parce que je ne peux rien faire pour sauver l'emploi à 206 personnes.

Pour toutes ces raisons, j'ai décidé de créer le site rfiengreve.info le site des auditeurs de la RFI pour soutenir la radio dans ce moment difficile.
Mon coeur pour "la radio mondiale"

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