Archives de juin 2008

Monfils, guadeloupéen et français

                    Réaction de vigilance justifiée ? Susceptibilité excessive ? Interprétation abusive ? Dénonciation judicieuse ? En tout cas, le sang de notre auditrice de la région parisienne ne fait qu’un tour, ce matin-là, quand elle entend parler sur les antenne de RFI, de la performance du « tennisman guadeloupéen » Gaël Monfils.

                    Son commentaire n’est pas tendre : « Comment un journaliste peut-il se permettre de le nommer "guadeloupéen" au lieu de « français »? N'est-il pas le seul à faire honneur à la France en restant le seul en lice alors que tous les autres ont été soit battus, soit ont abandonné avant même de commencer?

La vie en relief

                    « Le progrès technique à la fin du XIXème siècle a permis aux journalistes de sortir de leurs bureaux. Aujourd’hui, on assiste à un phénomène complètement pervers : le progrès technique ramène les journalistes derrière leurs écrans. Pas tous, mais de plus en plus. C’est au lié au fait qu’on ne croit plus à la culture, ni à la valeur du déplacement, à l’expérience de quelqu’un qui va voir… Sur Internet, on a toutes les informations du monde à plat. Or, la vie, l’histoire, la politique, ce ne sont que des choses en relief. Par conséquent, il faut se détacher de l’ordinateur et y aller. Tant que la presse dépensera de l’argent pour avoir des équipements interactifs formidables, et qu’elle dira que les reportages coûtent trop cher, elle sera à côté de la plaque. »

                    Dominique Wolton, sociologue des médias, directeur de recherches au Cnrs

Racisme et xénophobie

                     Cet auditeur africain de RFI en France s’interroge sur l’emploi des mots « xénophobie » ou « racisme » à propos des événements d’Afrique du Sud.

                    « Je voudrais savoir pourquoi dans le journal, les journalistes mélangent la xénophobie et le racisme.

                    « D’après moi, ce qui se passe en Afrique du sud c’est de la xénophobie, parce qu’ils sont contre les étrangers, et non pas le racisme parce qu’ils sont tous de la même race africaine, la race noire, qu’ils soient sud-africains, ou zimbabwéens ou mozambicains. Alors pourquoi les journalistes disent-ils «le racisme en Afrique du sud » et après ils disent « la xénophobie ».

                    « La xénophobie est une hostilité à l’égard des étrangers, donc ceux qui n’aiment pas les étrangers dans leur pays. Le racisme c’est le mépris pour les autres races, les autres races qui n’aiment pas les autres races, mais ce n’est pas ce qui se passe en Afrique du sud.

Les chiens, les patrons, les guerres, et l'info

                    Au début du mois dernier, Didym’e Pambou-Dimina, « fidèle » auditeur congolais résidant à Douala, au Cameroun, saisit son clavier pour dire sa lassitude d’entendre toujours les mêmes informations :

                   « Je suis fatigué de suivre le Journal du Moyen-Orient ou d'écouter vos correspondants en Israël, à Gaza, en Irak ou au Liban. Finalement, quoi de plus facile que de présenter le journal du Moyen-Orient !

                   « En fait, qu'est ce que l'information ? Dire que "le chien a mordu son patron" est-ce une information ? En effet, n'y aurait-il pas d'autres "informations" que de nous parler de la guerre, du nombre de morts ! Nous voulons aussi connaître ce qui se passe là-bas : l'école, le marché, le sport, la musique, etc.

                   « Il me semble que l'information consisterait à nous dire surtout que "le patron a mordu son chien".

                                        &&&

Analyser les choix de présence

                     « Quand on voit que le président de la République va se faire photographier avec tel groupe, telle personne dans le malheur, telle victime, on oublie les réalités qui sont occultées à ce moment-là. Si, comme journaliste, je faisais une page ou une colonne sur une visite de ce genre du président, je ferais deux colonnes à côté pour dire : voilà les situations occultées du jour. Il faut analyser les choix de présence…

                    Pierre Rosanvallon, historien, professeur au Collège de France et président de « La République des idées », interview à Mediapart.fr

Félicitations, mais ... ne jouez pas aux Guignols

                    Auditeur fidèle et régulier, de Carthage (Tunisie), M. Badreddine Ouali nous écrit :

                    « Je me sens souvent en phase avec vos analyses et apprécie particulièrement votre liberté de ton et le large spectre des opinions exprimées sur votre antenne. Je suis donc particulièrement dépité lorsque, succombant à l'air du temps, vous exprimez de plus en plus des découpages politiques dans des pays très divers entre "le camp pro-occidental" et "le camp anti-occidental" et ce, dans différentes émissions (infos, décryptage, et même Idées etc.).

Le porte-à-faux du journaliste

                    « On comprend le malaise des journalistes, placés perpétuellement dans une situation de porte-à-faux, condamnés qu’ils sont à produire de l’information au cœur de l’industrie du divertissement, c’est-à-dire de la réflexion à l’intérieur de la fabrique planétaire d’émotion. Un sort qui, mutatis mutandis, évoque celui d’une carmélite qui serait contrainte de prêcher la vertu au milieu d’un Eros Center. »

                    Philippe Cohen et Elisabeth Levy, in « Notre métier a mal tourné », essai, 232 pages, éditeur Mille et une nuits

Crédibiliser ce qu'écrit le maître...

                    « J’ai la conviction qu’aujourd’hui, le reporter est totalement sous la coupe de l’éditorialiste. Envoyé sur le terrain, donc crédible parce qu’il « voit », il est d’abord là pour démontrer ce qu’écrit le maître… »

                    

                    Jean- Marie Bourget, grand reporter à Paris-Match, revue Le Débat, n°138