Cet auditeur africain de RFI en France s’interroge sur l’emploi des mots « xénophobie » ou « racisme » à propos des événements d’Afrique du Sud.
« Je voudrais savoir pourquoi dans le journal, les journalistes mélangent la xénophobie et le racisme.
« D’après moi, ce qui se passe en Afrique du sud c’est de la xénophobie, parce qu’ils sont contre les étrangers, et non pas le racisme parce qu’ils sont tous de la même race africaine, la race noire, qu’ils soient sud-africains, ou zimbabwéens ou mozambicains. Alors pourquoi les journalistes disent-ils «le racisme en Afrique du sud » et après ils disent « la xénophobie ».
« La xénophobie est une hostilité à l’égard des étrangers, donc ceux qui n’aiment pas les étrangers dans leur pays. Le racisme c’est le mépris pour les autres races, les autres races qui n’aiment pas les autres races, mais ce n’est pas ce qui se passe en Afrique du sud.
« Pourquoi les journalistes font le lien entre les deux mots ? Répondez-moi s’il vous plaît, et expliquez-moi si c’est moi qui suis erroné. Merci."
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La question est à la fois simple et compliquée.
Pour simplifier, on pourrait, comme le font certains dictionnaires, dire que les deux termes sont aujourd’hui, dans la langue courante, quasi identiques et synonymes. Le glissement sémantique du terme racisme a en effet gagné beaucoup de phénomènes : quand on parle du "racisme antijeunes", ou du "racisme antiprofs", il ne s’agit évidemment en rien d’un racisme fondé sur la race… C’est l’hostilité à un groupe ou à un corps étranger qui se manifeste là, en quelque sorte une réaction de nature … xénophobe.
On comprend donc que dans la langue parlée, on emploie les deux mots presque indifféremment.
Mais la simplification ne nous aide pas vraiment.
Entrons donc dans le plus complexe. Donc dans l’étymologie. La xénophobie, du grec ancien xenos (étranger) et phobos (rejet, peur) est bien le rejet de l’étranger, qu’il soit étranger de même race ou non (on dirait aujourd’hui origine ou groupe ethnique, moins connoté). Elle peut porter sur des considérations culturelles, sociales, ou économiques. De même que la propagande du Front National affirmait voici des années que « les étrangers venaient manger le pain des Français » (et cela concernait aussi bien les «Blancs », Espagnols, Italiens, Portugais, Polonais, que les « Arabes » ou les « Africains »), la propagande des fauteurs de trouble sud-africains a affirmé que « les Zimbabwéens, ou les Mozambicains, venaient voler le travail des nationaux. » Ce type de raisonnement n’a pas en premier lieu une motivation raciste, puisque les ethnies sont parfois les mêmes, mais il faut bien avouer qu’il contribue à caricaturer des équations simplificatrices sur lesquelles vogue le discours raciste… Le discours contre l’immigration se mue bien vite en discours contre les immigrés, donc, les « autres », les « étrangers », ceux d’une « race » différente.
Le racisme, lui, est étymologiquement la théorie qui, distinguant les races, professe que telle ou telle est supérieure à telle ou telle autre, établit des hiérarchies entre les races, et donc fait de la couleur de la peau un élément essentiel et premier de la relation à l’autre. Et ceci même si la notion de race (ethnie) ne se résume pas, et de loin, à la couleur de la peau. Les racistes savent d’ailleurs établir aussi des hiérarchies à l’intérieur des Blancs, ou des Noirs, etc… Et on sait aujourd’hui combien la science moderne a fait litière de cette notion de races. La simplification raciale ne nous aide pas non plus.
Bref, on pourrait être raciste sans être xénophobe (on aime les étrangers blancs si on est blanc, jaune si on est jaune, etc). On pourrait être xénophobe sans être raciste (on exècre les étrangers, mais on adore les métis de son pays) ou du moins le prétendre, car l’un va souvent avec l’autre. On peut bien évidemment être à la fois xénophobe et raciste.
Et si c’était là la question sous-jacente, on peut être Noir et raciste, Jaune et raciste. Le racisme n’est pas l’apanage du Blanc. Il suffit de voyager pour hélas s’en rendre compte : les racistes existent partout, de toute sortes, xénophobes aussi le plus souvent. Les racismes sont de toute nature.
En tout état de cause, l’une et l’autre des notions sont condamnables également. Et surtout ceux qui les exploitent, auprès de populations malheureuses, pour rejeter ou masquer leur propre responsabilité dans ces malheurs. Cela s’appelle toujours et partout créer des boucs émissaires. C’était le Juif, là-bas. C’est le Zimbabwéen, ici.
C’est toujours inepte, et odieux.
Loïc Hervouet, médiateur