Dialogue autour de l'administration gouvernementale

                    Fidèle auditrice de RFI, Catherine Fournet-Guérin hésite, ce jour-là, entre la rubrique critiques et la rubrique félicitations. « C’est bien souvent des félicitations que je voudrais vous adresser, tant j'apprécie la rigueur de RFI, qui constitue la source d'information internationale la plus fiable à la radio. J'écris donc pour une précision linguistique qui va à l'encontre de cette rigueur : on ne dit pas "l'administration Bush", mais "le gouvernement Bush": c'est une faute de traduction qui se répand dans les médias et c'est un contre-sens. Merci d'en tenir compte !

                    Dans un premier temps, tout en ayant fait suivre l’observation à la rédaction, le médiateur lui répond:

                    « Comment vous dire que vous avez raison et tort ? ou tort et raison ? Vous avez raison de considérer l’emploi du terme « administration Bush » comme un américanisme. Car le mot est directement interprété de l’américain vers le français, où il a (aussi) un autre sens. On pourrait sans aucun mal parler du gouvernement américain. Vous avez tort de contester l’appellation elle-même : car c’est par le terme « administration » que l’on désigne couramment, et dans tous les médias américains, le pouvoir exécutif de la Maison Blanche.

                    "Pour faire savant, je vous renvoie à un article encyclopédique :
                    « L’administration américaine est divisée en départements. Les responsables des différents départements, appelés secrétaires, sont nommés par le président et responsables devant lui uniquement. Il n'existe donc pas de collégialité des secrétaires - c'est pourquoi on ne parle pas de gouvernement - même s'il sont membres du traditionnel Cabinet. Ces secrétaires font également partie, depuis 1792, de la ligne de succession présidentielle, après le Speaker de la Chambre des représentants et le Président pro tempore du Sénat, dans le cas d'une vacance à la fois de la présidence et de la vice-présidence. »

                    "Fermez le ban savant. Selon que l’on est rigoureux avec l’usage du français et le refus des influences étrangères on défendra plus ou moins fortement votre point de vue. En tout état de cause, vous avez raison de nous écouter :-) , raison d’être vigilante, et raison de le dire. Il n’y a que les auditeurs muets qu’on n’entend pas (dicton de circonstance)."

                    Au passage, le médiateur renvoie à sa chronique du 31 mai dernier, sur ce même blog, consacrée aux appellations diverses des pouvoirs et gouvernements.

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                    A son tour, Catherine Fournet-Guérin remercie de la réponse, et complète son argumentation, parfaitement recevable en effet, nous mettant en garde contre d‘autres dérives ou glissements sémantiques.

                    « Cher Monsieur,

                    "Je vous remercie de votre réponse, rapide, longue et argumentée de surcroît. Je pense que je me suis fait mal comprendre dans mon message sur le site Internet : en effet, je ne désirais nullement dénoncer un américanisme, mais plutôt une imprécision de vocabulaire conduisant à un faux-sens.

                    "D'ailleurs, en écoutant des émissions ultérieures, j'ai pu constater que les traducteurs qui travaillaient sur RFI traduisaient systématiquement "Bush administration" par "gouvernement Bush", alors que les présentateurs/journalistes disent "l'administration Bush". Le dictionnaire Robert and Collins confirme cette traduction. Cela dit, la nuance que vous m'exposez est intéressante. Effectivement, dans les médias américains, on dit "Bush administration" ! C'est ce qu'on appelle un faux ami (comme par exemple "prejudice" en anglais signifie préjugé et non préjudice). Toujours dans le même ordre d'idée, "agenda" ne se traduit pas par "agenda" en français, mais par "ordre du jour", "programme" (autre erreur fréquemment entendue). Un agenda, c'est un "diary" !

                    "Voilà, ce n'est donc pas du tout une question de point de vue sur la défense de la langue française dont il s'agit, mais bien une question de rigueur de traduction afin d'éviter les faux-sens. Si donc il vous était possible de transmettre cela à la rédaction, ce serait formidable !

                    "Bien cordialement. »

                    Ce fut fait, naturellement.

Loïc Hervouet, médiateur