Naviguer entre information et propagande

Les Malgaches vivent des heures difficiles. Situation politique confuse, bataille de pouvoir, guerre de communiqués, répression, rumeurs, colères…. Les habitants de l’île, comme leurs parents expatriés, s’informent grâce aux journaux et aux radios. Et bien sûr grâce à Internet. Extraordinaire lien entre tous ceux qui peuvent y avoir accès. Formidable lieu d’échange, de parole, de récit, de militantisme aussi. Depuis des semaines, j’observe et je lis, ce que me disent les auditeurs, et ce que nous disent les sites internet. Et j’éprouve le désir de vous prévenir : attention, ce n’est pas parce qu’elle est sur Internet, qu’une information est fiable.

Il y a quelques jours, sur un des nombreux sites Internet qui traitent de Madagascar, sur Topmada précisément, un montage : des images d’affrontements, entre militaires et manifestants, des hommes en uniforme qui tirent, des blessés, des morts…..et, en fond sonore, l’interview du ministre de la Défense d’Andry Rajoelina, expliquant au téléphone, à RFI, que les militaires n’avaient pas tiré. Sous ce montage, à charge contre le pouvoir de transition, le sigle RFI. Mon propos n’est pas d’évoquer le fond. Mais le procédé. Pas très correct. RFI a bien réalisé l’interview, mais n’est pour rien dans le montage qui se retrouve sur Dailymotion d’abord, sur Topmada ensuite.
Quant aux photos, celles de ce montage, mais aussi toutes celles que l’on trouve chaque jour sur Internet, et que nos auditeurs nous pressent d’aller voir, elles appellent des questions que tout citoyen doit se poser : Qui les a prises ? Dans quelles circonstances ? Pour le compte de qui ? A quelle date ? Où exactement ? Qui sont les personnages sur l’image ? Les journalistes photographes, les reporters d’images, et les médias qui publient leurs clichés ou leurs films, précisent tout cela au public. C’est une garantie (pas absolue, mais une bonne garantie) qu’il n’y a pas tricherie, ou trucage.
Evidemment, dans un conflit, dans une situation où la prise de photos et sa diffusion comportent un vrai risque, l’auteur non professionnel est souvent obligé de rester anonyme. Il trouve aujourd’hui dans Internet le moyen de diffuser, très vite, ses clichés. Ainsi de multiples citoyens se transforment-ils chaque jour en reporters amateurs, livrant au monde des témoignages précieux, souvent inédits. Puis les images vont très vite leur échapper, pour naviguer sur la toile au gré des internautes, de leur soif de savoir, de leurs émotions légitimes ou de leurs arrière-pensées manipulatrices. C’est la règle du jeu.
La règle journalistique est différente. C’est vrai, le journaliste est parfois en retard sur le témoin pour relater l’événement. Il lui arrive d’attendre plusieurs heures avant de pouvoir donner un chiffre de victimes. Il a besoin de questionner plusieurs personnes pour s’assurer des circonstances d’un accrochage. Un journaliste honnête (pour ne pas dire objectif, cette impossible qualité), rend compte quand il est certain, ou presque totalement certain de ne pas se tromper. Recouper, enquêter, interroger… c’est un travail qui permet d’éviter les rumeurs, de dépasser le simple témoignage, pour livrer ce qui est une information.
Internet est un moyen merveilleux de permettre au plus grand nombre d’accéder à des données détenues autrefois par quelques uns seulement. Mais comme dans un immense et fabuleux marché aux puces, on y trouve de l’authentique et du faux, du frais et de l’avarié, de l’honnête et du malsain, des hommes sincères et des bonimenteurs, de l'information et de la propagande… En être conscient n’empêche pas d’y courir !    

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