Le rapport de la médiatrice de RFI : 2009, année singulière

Il y a un peu plus d’un an, une nouvelle médiatrice était nommée à RFI, et allait assumer cette noble fonction de porte-parole des auditeurs et des internautes auprès de la direction et de la rédaction de RFI. J’ai ainsi succédé à Loïc Hervouet et à Noël Copin, et j’ai tenté de poursuivre la tâche avec humilité, mais aussi la conviction qu’un médiateur peut jouer un rôle essentiel, au service du public, sans lequel RFI, à l’instar de toutes les entreprises de presse, ne serait rien.
Le bilan de cette médiation, que je vous propose dans ce rapport, n’en est pas moins en demi-teintes, au terme d’une année très particulière dans l’histoire de RFI.

1) La saisine de la médiatrice :
Les auditeurs et les internautes disposent de plusieurs moyens pour interpeller la médiatrice. Ils ont, cette année comme les précédentes, très peu utilisé les services de la poste : deux lettres seulement me sont parvenues. Ils ont boudé également le répondeur téléphonique qui leur permet de laisser un message d’une minute. Ceux qui ont appelé se trompaient d’interlocuteur, d’autres oubliaient de laisser leurs coordonnées téléphoniques. Je pense néanmoins qu’il faut laisser aux auditeurs cette possibilité de joindre la médiatrice.
L’immense majorité des auditeurs internautes utilisent donc internet pour poser leurs questions ou exposer leurs récriminations. Peu joignent le médiateur directement. La plupart écrivent comme ils lanceraient une bouteille à la mer. Le service des relations avec les auditeurs et la médiatrice vont à la pêche et recueillent ces messages.
 
2) Les réponses :
Comme tous les médiateurs de presse, mon rôle est de fournir des réponses (explications, excuses, justifications….) sur tout ce qui touche à la déontologie, au traitement de l’information. Il ne me revient pas de m’occuper de questions sociales ou de « services » à l’auditeur. Il m’est cependant arrivé, à plusieurs reprises, de répondre à des questions concernant la diffusion de RFI ou l’organisation de la rédaction.
J’ai également décidé, devant le désarroi profond de l’auditoire, de fournir quelques renseignements sur le mouvement social qui a marqué RFI durant l’année 2009, et dont je reparlerai plus loin.
J’ai répondu personnellement aux auditeurs. Ou collectivement, sur le blog, dès lors que plusieurs personnes interpellaient RFI sur un point particulier.
A l’antenne, c’est dans l’émission animée par Juan Gomez, Appels sur l’actualité, que j’ai eu le grand plaisir de fournir quelques éclaircissements aux auditeurs. Ces interventions, tributaires des événements, n’ont pas été très nombreuses. Sans doute ai-je manqué d'énergie, et c'est dommage.
 
3) La « modération » des commentaires sur le blog.
Les internautes ont la possibilité de « réagir » à un article en écrivant un « commentaire ». Ils le font de la même manière sur le blog de la médiatrice. Et c’est moi qui prends la décision de publier ou non les commentaires concernant la médiation. J’ai fait deux choix que j’assume, mais qui peuvent se discuter : RFI étant un média international francophone, qui s’adresse à des francophones et à des francophiles, à des français et à des étrangers, parfois étudiants ou enseignants, il me paraît indispensable de parler et d’écrire correctement le français. Je corrige donc les fautes d’orthographe et de grammaire de mes interlocuteurs. En outre, je ne publie pas les commentaires incompréhensibles ou qui comportent des mises en cause injurieuses, voire diffamatoires, de journalistes ou de membres de RFI. Je considère que les commentaires doivent apporter information et réflexion à la communauté de nos internautes, et n’être pas seulement un exutoire des rancœurs ou mauvaises humeurs. J’espère que ceux qui n’ont pas vu leurs messages publiés me comprendront.
 
4) RFI en grève
L’année 2009 a été difficile pour RFI. La direction a décidé, pour des raisons économiques, de supprimer un peu plus de 200 postes de salariés (techniciens, administratifs, journalistes…) et engagé un « plan de sauvegarde de l’emploi ». Un très long conflit social s’en est suivi, et notamment un mouvement de grève qui a profondément perturbé l’antenne de la radio durant deux mois, avant l’été.
Ce sont de véritables messages de détresse, de colère, de soutien, de désarroi et surtout d’incompréhension qui sont parvenus à RFI. Ces courriels racontaient tous ce lien passionné et exigeant qui unit RFI à son auditoire. Ils en disaient surtout long sur le besoin qu’éprouve le public d’être informé sur sa radio, son journal, sa compagne du jour et de la nuit. La médiatrice que je suis doit le dire : les auditeurs et les internautes ont le droit de savoir, nous avons le devoir de les informer, y compris sur nous-mêmes. Nous avons, pour des raisons plus ou moins légitimes, failli à cette mission. La preuve de ce manque : aucun article écrit sur le blog de la médiatrice n’a attiré autant de lecteurs : plus de 11 000, et plus de 100 commentaires…..  
 
5) Déontologie
Rarement les milieux professionnels de la presse – journalistes et éditeurs – n’ont autant parlé de déontologie en France que durant l’année 2009. Les Etats généraux de la presse écrite, convoqués à l’initiative de la présidence de la République, ont abordé sans détour le sujet. Chacun sait aujourd’hui que la perte des lecteurs et des auditeurs est aussi le fruit d’une crise de confiance entre le public et les journalistes. Et que la reconquête passe par une meilleure pratique du métier. RFI a perdu des auditeurs, ces dernières années, pour des raisons en partie plus complexes qui n’ont pas à être exposées dans ce rapport. Il m’est toutefois apparu nécessaire de tenir au courant nos auditeurs de cette indispensable réflexion sur la déontologie. 
   
6) L’indépendance de RFI.
De nombreux auditeurs africains ont mis en cause l’indépendance et l’honnêteté des journalistes de RFI. Ces accusations, récurrentes, sont devenues virulentes et passionnelles à l’occasion des crises politiques qu’ont traversées certains pays : Niger, Guinée, Gabon, Madagascar : Les journalistes de RFI ont été soupçonnés de parti pris, soit pour un camp, soit pour un autre (les avis divergent bien souvent, et c’est bon signe) ou de se faire les porte-parole du gouvernement français.
Il serait absurde de nier qu’un journaliste peut avoir un point de vue, et qu’il lui arrive de le laisser entendre, ce qui est évidemment une erreur. Il serait tout aussi vain de jurer que l’objectivité existe. Ce que je puis affirmer, c’est que les journalistes de RFI, même s’ils appartiennent à une entreprise de service public, travaillent dans une totale liberté, et qu’ils ne reçoivent d’ordre d’aucun ministre, conseiller ou responsable politique.
Les auditeurs ont souvent tort, dans leur interprétation subjective du propos journalistique. La médiatrice les remercie pourtant : ce sont des sentinelles précieuses : la route du bon journaliste ne peut se dispenser de balises, de clignotants et de mises en garde. Et il peut arriver que la suspicion soit une alerte bien utile.
 
7) A propos de sentinelles.
S’ils ont été parfois injustes dans leur procès en partialité, les auditeurs ont été formidablement talentueux pour débusquer, sans jamais se tromper, les erreurs factuelles commises par tel ou tel journaliste : mauvaise photo sur le site internet, score de foot erroné, présentation ratée de l’éclipse de soleil, et bien d’autres inexactitudes ou fautes que les auditeurs ont permis de rectifier. Qu’ils en soient remerciés.
Les auditeurs-internautes ont été tout aussi sensibles aux fautes de français, à l’antenne ou sur le site internet. Beaucoup nous ont reproché notre laxisme, parfois très vivement. Il me faut reconnaître mon échec en la matière : la médiatrice n’a pas pu empêcher une détérioration certaine de la pratique de la langue française sur RFI.
 
8) Les sujets passionnels.
L’année 2009 a ressemblé aux précédentes, quant aux sujets qui fâchent : sujets politiques, comme la crise au Proche-Orient ou la question iranienne. Ou sujets de « société », comme l’homosexualité, ou l’usage du préservatif. Il me semble cependant que les messages « militants » et violents de dénonciation d’un discours occidental qui serait insupportable de suffisance ont été particulièrement nombreux, sans appeler pour autant de réponses de la médiatrice, par définition vaines.
 
Conclusion.
La médiation, durant l’année 2009, a été utile en ce qu’elle a conforté les liens avec l’auditoire et apporté des réponses individuelles, ou collectives, par exemple sur la crise à RFI, ou sur les contraintes professionnelles que connaissent les journalistes.
Elle a été insuffisante, voire inexistante, sur des sujets de contentieux importants entre RFI et certains pays, je pense notamment à la République Démocratique du Congo.
Elle a manqué de visibilité. A l’antenne, où un rendez-vous régulier aurait des avantages. Et sur le site internet, où l’auditeur internaute cherche vainement où peut bien se cacher le médiateur…
A l’heure où RFI vit une véritable mutation, au sein de l’Audiovisuel extérieur français, il me semblerait utile de poursuivre la réflexion sur plusieurs points : quelle place doit avoir un médiateur au sein de l’Audiovisuel extérieur ? Quel rôle doit être le sien à l’heure de « l’interactivité » ? Comment refonder la charte de déontologie de RFI à la lumière de ces évolutions ?
Peut-être les rédactions auront-elles à cœur de se saisir de ces questions. Pour leur bien, et celui du public.

3 Comments

Bonjour Mme La Médiatrice
Ici en Afrique, nous écoutons RFI parfois sans le vouloir car cette radio souffre d'un manque chronique d'indépendence et d'objectivité.
RFI peut être plus crédible pour nous Africains si elle arrête son soutien sans faille aux dictateurs africains et à la politique africaine de la France.
Nous voudrions entendre parler du role joué par la France dans les événements survenus dans les pays comme la Côte d'Ivoire, Togo, Tchad, Guinée, Gabon, Congo, Madagascar, R.C.A etc.

Merci de ce rapport, même si on en lit toutes les limites inhérentes à cette fonction.
Que RFI soit de gauche ! En voilà une idée curieuse !! J'aurais tendance à lui reprocher d'être dans la bienpensence globale qui touche tous les médias, saufs quelques uns, et toutes les émissions de RFI sauf quelques unes, précisément. C'est cette recherche d'une parole un peu décalée qui fait l'intérêt de l'écoute.

Je suis un ancien auditeur, et aussi un de ceux, qui reprochent à RFI son orientation politique de gauche. Je n’écoute plus que les infos Afrique à 8h30. Cette radio du service public s’affaiblit ainsi, elle-même. Je ne vais pas, pour commenter ce rapport, continuer cette polémique avec la médiatrice qui accepte mal mon point de vue. Je me permettrais, quand même, de lui donner un conseil : elle devrait solliciter des journalistes, des «chercheurs », des intervenants plus objectifs ( oui, il en existe ! ) afin d’apporter une « petite contradiction » à ceux qui donnent régulièrement, dans leurs émissions, la « bonne opinion » à l’antenne… Je suis sûr que l’audience s’améliorera.
PSB France Normandie

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