Journalistes : la crise de confiance perdure

 Une moitié environ de français ne croient pas tout ce que disent les journalistes. Cette crise de confiance que vit la profession n’est pas nouvelle. Mais elle tend à s’aggraver. C’est ce que révèle le dernier sondage TNS Sofres pour le journal La Croix, qui publie le 8 février 2011 ce baromètre sur l’état d’esprit des français à l’égard de leurs médias, comme il le fait depuis 1987.

 
 
Soyons plus précis : 49% des lecteurs pensent que « les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme le racontent les journaux » (contre 55% en 2010). Les téléspectateurs sont 46% à croire les informations diffusées (contre 48% en 2010). La radio reste le média le plus fiable (selon le public), puisque 57% des auditeurs pensent que les événements se sont bien passés comme on le leur dit (contre 60% en 2010). Autant dire que le pourcentage de lecteurs, d’auditeurs et de téléspectateurs qui ne font pas confiance dans leurs médias, et donc dans le travail des journalistes est phénoménal.
 
Le public ne croit pas pour autant tout ce qu’il lit ou entend sur Internet : 35% des français seulement (un chiffre stable depuis deux ans) pensent que les choses se sont passées comme ils le découvrent sur la toile. Mais l’outil, encore récent, est jugé plus crédible par les plus jeunes (50% de taux de confiance).
De la même manière, plus de 6 français sur 10 pensent que les journalistes ne sont pas indépendants, même si cette mauvaise opinion s’érode un tout petit peu : 63% des personnes interrogées estiment que les journalistes ne résistent pas aux pressions politiques (66% en 2010). 58% qu’ils ne résistent pas aux pressions de l’argent (60% en 2010). Les journalistes sont ainsi perçus comme majoritairement aux ordres des pouvoirs politique et économique…
 
Ce baromètre TNS Sofres vient confirmer ce que perçoivent les journalistes eux-mêmes et ce que savent pertinemment les médiateurs de presse : les relations entre la presse et son public sont orageuses et soupçonneuses. C’est en partie paradoxal : la presse française résiste plutôt mieux qu’autrefois aux pressions politiques. En 2010 par exemple, Nicolas Sarkozy n’a pas été épargné par les médias, c’est le moins que l’on puisse dire. Et il n’a pas réussi à imposer ses candidats, ni à la direction de France Télévisons, ni à celle du journal Le Monde.
Autre paradoxe : la soif d’informations ne se tarit pas, ou peu. 69% des français manifestent un très grand ou un assez grand intérêt pour les nouvelles diffusées par les médias (71% chez les 35 ans ou plus).
 
En m’appuyant sur mon expérience de médiatrice à RFI, je peux envisager plusieurs explications à cet attrait critique, pour ne pas dire à cette fascination/détestation que connaît le public envers son journal, sa radio ou sa télé.
 
Cette relation, d’abord, n’est plus exclusive. Aujourd’hui, l’information est partout, et multiple. En Afrique, comme dans les pays de l’Europe orientale, comme dans les pays arabes, des journaux naissent, des radios fleurissent. L’information parvient aux citoyens, plus facilement, plus massivement, et elle se diversifie. RFI est en concurrence, dans les états d’Afrique, avec des radios locales, privées ou publiques, et c’est tant mieux. Internet ouvre les fenêtres sur le monde, sur d’autres points de vue, sur d’autres regards, et c’est tant mieux, quels que soient les risques – réels – d’erreurs ou de manipulations. Le public a donc le choix, il peut savoir, comparer, échanger, intervenir.
 
Mais ces choix, cette multitude d’informations, voire cette surabondance de nouvelles, ne sont pas pour autant facteur de sérénité. Tout se passe comme si la complexité du monde conduisait certains à vouloir un peu plus de certitudes. Et donc à attendre de leur journal, ou de leur radio, qu’ils confortent leur opinion. Quand les auditeurs de RFI reprochent aux journalistes d’être partisans (pour un camp politique ou pour un autre, souvent équitablement), c’est parce qu’ils auraient tant aimé que, précisément, ils prennent parti !
 
Et puis l’incrédulité envers le journaliste s’accroît au fur et à mesure qu’augmentent les doutes envers les responsables politiques. Les médias sont, à tort ou à raison, mais plutôt à raison, assimilés à la sphère des puissants, ils sont confrontés au même phénomène de rejet.
 
Les journalistes sont-ils pour autant exempts de tous reproches ? Bien sûr que non ! Je suis de ceux qui pensent que la qualité du travail journalistique, y compris à RFI, s’est dégradée. Et que cela explique en grande partie la crise de confiance. Moins de temps pour effectuer reportages et enquêtes, pression de la concurrence et des autres médias, nécessité économique de multiplier les « piges » et les employeurs, terrains plus difficiles dans de nombreux pays en crise, réflexes professionnels émoussés, en matière de vérification de l’information, de recoupement des sources, de choix des mots…, manque de vraie formation professionnelle, « encadrement » par les aînés parfois déficient, et toujours ce mal qui ronge la crédibilité du journaliste français : pas assez de doute, pas assez d’humilité devant les faits, et devant les convictions.
Reconquérir la confiance du public,  pour les journalistes et leurs médias prendra du temps. Mais c’est possible, avec du professionnalisme, de la déontologie, et la conviction que le journalisme, contrairement à la propagande, permet d'approcher la vérité.  
 
 

3 Comments

Difficile de croire que la qualité reviendra ... vos derniers paragraphes sont éloquents.
Et vous n'avez même pas la pression de la régie publicitaire comme excuse.
Souffler dans le sens du vent ... voilà ce que vous (les journalistes) proposez ... aller dans le sens du vent, c'est un destin de feuille morte, c'est pas très motivant!
Donnez du corps, lancez des polémiques, secouez les cocotiers, prenez des "risques", ajoutez de la couleur, luttez ...
Nos oreilles méritent mieux que le nivellement par le bas !

bonjour
avec ces grèves à répétition chez france2, la sur médiatisation du procès DSK, les commentaires insipides de certains journalistes et le journalisme d'investigation et d'enquête quasi inexistant au détriment de l'audimat facile et de sujets sans intérêt, le journalisme français est tombé bien bas...

Comment voulez-vous être respectés puisque vous faites grève à un moment où les francophones du Japon et d'ailleurs on un besoin parfois vital d'infos ?

J'ai honte pour la France et pour vous !

Transmettez aux animateurs de cette grève SVP

ML

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