Vous, auditeurs et internautes, êtes nombreux à écrire à RFI pour vous plaindre : pourquoi ce silence sur tel massacre (regardez la photo) ? Pourquoi ne diffusez-vous pas cette vidéo (allez voir sur tel site)? Qu’attendez-vous pour désigner le coupable de ces exactions (suit une série de clichés) ? ... Vous avez ainsi envoyé de nombreuses images et vidéos du conflit en Côte-d’Ivoire. Vous l’avez fait aussi à l’occasion d’autres événements, dans d’autres pays, comme Madagascar. En reprochant aux journalistes de ne pas relayer ce qui, pour vous, est une information « vraie » puisque « visible ». La réalité est un peu plus compliquée que cela, les journalistes l’apprennent à leurs dépens, comme le prouve
l’affaire de la fausse photo de ben Laden.
C’est ainsi, depuis quelques années : aucun accident, aucun conflit, aucune catastrophe ne peuvent plus se produire sans que le monde entier ne voit les images, n’entende les bruits, n’en suive le déroulement. Il se trouve toujours un témoin avec un appareil photo, une mini-caméra, un téléphone portable, pour capter une scène. La transmettre par internet à un ami, qui la diffusera à un autre ami, qui l’enverra à des dizaines, des centaines, des milliers de gens. En la transformant au passage, parfois.
Il y a quelques années encore, l’immense majorité des photos et des reportages télé étaient effectués par des journalistes, dont c’était le métier. Ils engageaient leur crédibilité, leur emploi, leur réputation. Parce qu’ils signaient leur reportage, la prise de vue était réputée authentique. Les trucages (les bidonnages comme on dit dans le jargon) existaient, mais ils étaient rares, car leur auteur prenait le risque d’être rejeté par le public, et par la profession.
Aujourd’hui, le simple citoyen se fait reporteur. Ses images sont éminemment précieuses. Mais, pour que les médias les exploitent et les diffusent, il faut que les journalistes puissent vérifier plusieurs points : le lieu, la date, le contexte, au minimum. Ils doivent aussi essayer de débusquer tout ce qui est montage, ou retouche…L’idéal étant bien sûr de pouvoir identifier l’auteur du témoignage. Les journalistes essayent de déterminer aussi pourquoi des images circulent, pourquoi on les presse de les diffuser. Ils ne sont jamais à l’abri d’une opération d’intoxication, de manipulation. D’un acte militant ou de propagande.
Le faux ben Laden n’est pas le premier piège tendu aux médias. Il est déjà arrivé que des télévisions soient abusées, et doivent reconnaître publiquement leur erreur. Avec la multiplication des témoignages « citoyens » circulant sur le net, la vérification de l’authenticité des documents et leur validation préalable à leur diffusion par les médias deviennent un impératif. De plus en plus de chartes de déontologie internes aux entreprises de presse le rappellent. C’est une bonne chose.
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