Deux auditrices, notamment, ont posé, chacune de son côté, les bonnes questions.
L’une se demande pourquoi RFI a donné la parole à un internaute syrien réfugié au Liban, qui évoque la situation en Syrie. Elle écrit : « Comment pouvez-vous accorder un tel crédit, avec passage au journal de 13H, à quelqu’un qui n’est pas sur place, dont vous ne pouvez garantir ni l’objectivité, ni les motivations ? ».
L’autre s’insurge de la diffusion, sur le site internet de RFI, d’une photo d’hélicoptère illustrant un article sur une intervention des autorités syriennes dans la localité de Jisr el Choghour, article mis en ligne le 13 juin : « photo floue, aucun indice ne permettant de vérifier l’info, pas de détail concernant le lieu. Est-ce un faux document, une manipulation de plus, de l’intox ? ».
Ce qui se passe en Syrie constitue – malheureusement pour ceux qui y vivent – un cas d’école pour les journalistes : comment rendre compte d’un conflit ou d’une crise sans pouvoir être sur place ? Car c’est une réalité : RFI, comme les autres médias, n’a pas le droit de se rendre en Syrie. A la date du 17 juin, toutes les demandes de visa avaient été refusées.
Il faut donc interroger des témoins. Ceux qui sont en Syrie sont, au fil des jours, de plus en plus difficiles à contacter. Les téléphones sonnent dans le vide, les personnes ne peuvent pas parler, les numéros n’existent plus, tout le monde se méfie d’Internet…
Les syriens qui ont quitté leur pays pour se réfugier au Liban, ou en Turquie, sont en revanche plus facilement joignables, et peuvent raconter, ce qu’ils ont vu, ou ce que d’autres ont vu. Le syrien interrogé au Liban est de ceux-là. RFI l’a présenté comme tel, ceci est très important, d’un point de vue déontologique. L’auditeur doit savoir qui parle, et d’où il parle.
Ces personnes sont-elles pour autant totalement fiables ? Non, bien évidemment. Aucun témoin, dans aucune circonstance, ne peut affirmer raconter « la » vérité. Il dit « sa » vérité. Les journalistes essayent, en discutant avec les témoins, en recoupant leur propos, d’apprécier s’ils sont crédibles. C’est beaucoup plus simple quand les réfugiés son nombreux, quand les récits concordent. La parole des réfugiés à la frontière turque est donc extrêmement précieuse.
En ce qui concerne les photos, celles prises en Syrie sont très rares. Les agences de presse, qui ont noué, sur place, des liens professionnels avec des syriens, en diffusent. Elles en prennent la responsabilité, ce qui veut dire qu’elles connaissent l’auteur des clichés et en certifient l’authenticité. La photo de l’hélicoptère, contesté par notre auditrice, est de celle-là. Etait-elle pertinente, apportait-elle un élément d’information nouveau ? De ce point de vue, il faut le reconnaître, il s’agissait davantage d’une image prétexte qu’une image à valeur informative…
Les journalistes sont-ils à l’abri d’une manipulation ? Non. L’histoire de la fausse blogueuse syrienne qui est en fait un blogueur américain le démontre formidablement. Si RFI n’a évoqué qu’une seule fois ce blog – en lui accordant crédit – d’autres médias l’ont cité à de nombreuses reprises. Il est vrai que le développement d’Internet comme diffuseur d’informations, par les blogs, les lanceurs d’alerte, les réseaux sociaux, accroît le risque de manipulation et de désinformation. Mais les moyens existent de débusquer la supercherie.
Comme l’a expliqué sur RFI Ziad Maalouf, qui anime sur l'antenne l'émission
l’Atelier des médias, il convient, d’abord et avant tout, de « douter, douter, douter ». Aujourd’hui, comme hier, le doute et la méfiance font partie de la boîte à outils de tout bon journaliste. Il faut ensuite procéder comme dans une enquête, en interrogeant l’auteur, en analysant ses réponses et son comportement, en vérifiant certains faits, et en utilisant les moyens offerts par l’informatique elle-même ! Oui, nous dit Ziad Maalouf, il est possible, même pour l’information puisée sur Internet, de démêler le vrai du faux.
Les journalistes doivent répondre à l’attente du public, qui a droit à une information de qualité. Ils ne le feraient que mieux s’ils pouvaient eux-mêmes, directement et librement, aller sur le terrain, et faire, pour employer ce mot magnifique et qui dit tout, du « reportage ».
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