Grève à RFI : les auditeurs veulent être informés

De la musique, sur RFI, en lieu et place des journaux et des magazines. Jeudi 30 juin, de nombreux salariés de RFI étaient en grève. Comme ce fut le cas à plusieurs reprises, ces dernières années. Et comme précédemment, des auditeurs nous ont écrit. Certains pour protester contre la grève elle-même, d’autres pour regretter de n’avoir pas été avertis, ni informés des raisons de ce mouvement social. J’ai choisi de publier tout ou partie de quelques uns de ces messages. Et d’y répondre, même si, je le répète encore une fois, je ne suis ni médiatrice sociale, ni chargée de la communication de RFI ! Simplement à l’écoute des plaintes de l’auditoire.

 
Sebastien Kouamé, d’Abidjan, m’a adressé, le soir du 30 juin, ce fort pertinent courriel :
 
« Chère Madame Burg,
Les journalistes de RFI s'adressent à leurs auditeurs comme s'ils étaient membres d'une même communauté, sinon d'une même famille. Comment se fait-il que ces journalistes n'aient pas la courtoisie de nous prévenir des bouleversements dans la diffusion des émissions ? Il y a une grève aujourd'hui, et tous les programmes sont chamboulés !
Loin de moi l'idée de contester l'exercice du droit de grève, mais pour une organisation dont l'une des missions est d'informer,  les auditeurs sont toujours maintenus dans l'ignorance totale des conflits sociaux qui influent sur les services fournis par votre maison. Curieux, non?
Un membre de l'établissement RFI rencontré dans ma région était fier de dire qu'il appartenait au service public français de l'information. Il m'a semblé qu'il voulait dire que cela plaidait en faveur de son objectivité. Même si la relation non démontrée entre service public et objectivité était vraie, les règles de la courtoisie ont-elles changé à ce point ? N'y a-t-il pas moyen de prévenir qu'à telle date nous ne pourrons plus écouter les émissions que nous suivons ?
Enfin, est-il interdit d'informer les auditeurs des enjeux, et des raisons des conflits ? S'agissant de nos affaires ici au Gondwana, beaucoup mieux que la radio nationale, vous savez faire entendre la voix officielle, ET au moins une voix soutenant une position différente sinon opposée. Je vous en félicite.
Comment se fait-il que ce souci d'informer de façon équilibrée disparaît quand il s'agit de vos conflits sociaux ? Sauf erreur, si nous sommes membres d'une même communauté, ils nous concernent également, non ? »
 
Un autre auditeur, John Milton, qui partage son temps entre l’Europe et l’Afrique, fait à peu près les mêmes remarques :
 
« J'habite la moitié de l'année au Bénin et écoute RFI au quotidien. "En raison d'un mot d'ordre de grève les programmes habituels de RFI peuvent être perturbés…"
Pas de discussion en ce qui concerne le droit de grève qui est une valeur démocratique avant d'être républicaine. Ce qui me navre et me perturbe c'est le manque de transparence dans cette phrase anodine. Pourquoi ne pas dire qui lance le mot d'ordre et pourquoi. Par exemple les techniciens pour plus de salaire ou des horaires meilleurs, que sais-je ? Dans nombreux pays vers lesquels vous diffusez, le droit de grève est inexistant et le concept « grève » inconnu. N'y a-t-il pas au niveau d'une radio internationale un devoir d'information vers les auditeurs, sans lesquels, convenons-en, votre raison d'exister et de diffuser s'effondre ?
Plus de clarté et de transparence dans l'info seraient bienvenues et lorsque les émissions reprennent, on n'entend plus rien sur les objectifs (éventuellement) atteints ou non.
Stéphane Taponier et Hervé Guesquière ont démontré la valeur de vos messages et émissions essentiels pour les soutenir moralement pendant leur captivité. Ils ne sont sans doute pas les seuls dans le monde...continuez votre mission mais profitez-en pour éduquer et informer vos auditeurs. La formule anodine à laquelle je réfère en début de message est énervante, croyez-moi. »
 
Je citerai encore Pierre, du Burkina Faso :
 
« Bonjour chère RFI, cette radio que nous écoutons jour et nuit. Mais nous avons remarqué que très souvent nos émissions que nous aimons tant sont suspendues pour motif de grève. Mais nous n'avons jamais su quelles sont les raisons de ces grèves très fréquentes. Mais si c'est nos grèves chez nous on a parle en long et en large. S'il vous plaît dites-nous quelles sont les raisons de vos grèves sans cesse. Merci ».
 
Ces auditeurs ont raison : RFI, comme malheureusement la plupart des médias dont la mission est pourtant d’informer, communique très mal quand il s’agit d’elle-même, et de ses conflits internes. Parmi toutes les explications à ce manquement, il y a d’abord l’hésitation à se lancer dans des explications forcément compliquées sur des problèmes étrangers à ceux qui ne travaillent pas à RFI. Il y a ensuite les réticences d’une direction à rendre publics des contentieux internes, et donc, d’une certaine manière, à leur donner de l’importance. Il y a aussi la difficulté à trouver un accord entre la direction et les syndicats de personnels sur la manière dont il faudrait intervenir sur l’antenne : un communiqué commun ? Mais il faudrait en négocier les termes. Un communiqué pour chacune des parties? Mais si l’une veut répondre à l’autre ? Et si l’autre ne le veut pas ?  Et si les deux présentent des versions très différentes, n’est-ce pas la confusion qui l’emportera sur l’explication ?
 
Il n’empêche : il faudrait trouver la solution. On peut imaginer d’annoncer le mouvement de grève (en général, un préavis est déposé) la veille de l’arrêt de travail, dans les grands journaux d’information. Les services publics des transports le font, le service public de l’information devrait savoir le faire. Quant à la présentation des raisons du conflit, pourquoi ne pas faire confiance à ceux qui savent étudier les dossiers, les synthétiser, les présenter le plus clairement possible, faire valoir les différents points de vue ? Ceux dont c’est le métier ? Les journalistes, que ce soit les présentateurs des journaux, ou les spécialistes des questions sociales. Certains l’ont fait, lors des précédents conflits. Et c’était bien.
 
A mon tour de fournir quelques explications : RFI, France 24 et TV5 (seulement en partie) sont réunis dans un holding, l’Audiovisuel Extérieur de la France. Le projet de la direction de RFI et de France 24 est de regrouper, dans une entreprise unique, les directions et les rédactions de la radio et de la télévision. Parallèlement, la direction envisage le départ, sur la base du volontariat, d’une centaine de personnes. Une partie des personnels s’opposent à cette fusion, et au plan de départs volontaires, d’autres demandent des garanties, notamment sur la future organisation du travail.
 
Le chantier est immense : Certains salariés adhèrent aux projets de la direction. Mais chez d’autres, les interrogations, les doutes, les oppositions dominent. Voilà pourquoi, depuis des mois, des grèves perturbent RFI, que ce soit pour dénoncer la future fusion, ou pour appuyer des demandes de négociations.  
Un chantier immense, et toujours pas terminé.
Tags :

2 Comments

Je suis toujours auditeur de RFI que je trouve assez objective dans sa ligne éditoriale. Mais je souhaite que le syndicat nous informe de la raison de la grève.

Nous sommes auditeurs de RFI et souvent téléspectateurs de France 24 et nous nous inquiétons de ce projet de fusion. Est-ce que la ligne éditoriale de France 24 que nous trouvons partisane ne va t-elle pas l'emporter sur celle de RFI que nous trouvons assez objective? Nous comprenons et soutenons donc ce mouvement. Nous vous rappelons par ailleurs que RFI pour nous c'est plus qu'une RADIO, c'est une FAMILLE, une IDENTITE.

Poster un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ ne sera pas montré publiquement.
CAPTCHA
Cette question vous est posée pour vérifier si vous êtes un humain et non un robot et ainsi prévenir le spam automatique.