Anonymat et honnêteté

                    «  L’anonymat m’est nécessaire, car je suis sensible aux rapports humains. Et pour moi, l’amitié paralyse le jugement. Si je rencontre un chef, cela devient plus difficile d’écrire sur son restaurant. ( …) Il m’est impossible d’écrire honnêtement sur un chef que je connais. »

                François Simon, critique gastronomique pour Le Figaro, France Inter et Paris Première

Un métier comme un autre?

                    « Le journalisme est devenu un métier comme un autre, c’est beaucoup moins qu’avant un engagement. Dans les années 70, beaucoup de journalistes que j’ai connus vivaient leur pratique comme une forme d’engagement citoyen. Aujourd’hui, beaucoup sont journalistes comme ils exerceraient n’importe quel autre métier. De ce point de vue, la télévision a certainement joué un rôle déterminant, car elle nécessite une certaine forme de savoir-faire technique, notamment en matière de présentation de soi. Une redistribution complète des qualités s’est opérée. Mais il reste une différence énorme entre un journaliste de plateau qui se contente d’attiser le conflit entre deux invités pour produire du spectacle, et un autre qui a lu des livres, et se pose la question de savoir comment restituer de manière profonde et ouverte un vrai contenu intellectuel. »

          Pierre Rosanvallon, historien, professeur au Collège de France, président de « La République des idées », interview à Mediapart.fr

Le pessimisme de DSK et l'optimisme de Fillon

                    Cette réaction de Lionel Jean, auditeur de la côte Est des Etats-Unis, est déjà ancienne, à propos d’un titre de RFI. Mais l’autorisation de la publier n’est parvenue que récemment. Voici donc ce dialogue autour d’une « manipulation » potentielle sur les rapports entre Dominique Strauss-Kahn et François Fillon.

                   « Je pense que c'est une manipulation d'opinion extrêmement grave et foncièrement malhonnête de titrer l'article" le pessimisme de DSK et l’optimisme de Fillon". C'est une façon de substituer le rapport officiel d'une institution internationale comme le FMI à l'opinion de DSK. Sous entendu : les prévisions du FMI sont celles du parti socialiste. »

                    Voici comment Lionel Jean avait interpellé le médiateur, qui lui fit cette première réponse :

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Cher auditeur,

Votre message m’a été transmis, et je vous en remercie. Si vous m’y autorisez, je le publierai sur mon blog, avec ma réponse, car il est d’intérêt général, même si je pense qu’il n’est pas entièrement fondé.

Presse et République

                    "Notre République et sa presse graviront ensemble les sommets ou bien elles iront ensemble à leur perte. Une presse compétente, désintéressée, peut protéger cette morale collective de la vertu, sans laquelle un gouvernement populaire n’est qu’une escroquerie et une mascarade."


                    Joseph Pulitzer (1847-1911), journaliste américain, fondateur du New York World et du prix éponyme, décerné chaque année depuis 1917

L'Opinion vache sacrée

                    « L’évolution sémantique est révélatrice : jadis il y avait des opinions, multiples, concurrentes, libres d’exprimer leurs différences, de confronter leurs analyses. Le passage du pluriel au singulier trahit l’accaparement du champ politique par l’idéologie libérale. L’Opinion, c ‘est la vérité et tout le reste devient erreur. « Aller contre moi, c’est aller contre l’opinion », a averti un jour Nicolas Sarkozy. On ne va pas contre l’Opinion, sauf si l’on a le goût du suicide. L’Opinion est, à la mode libérale, totalitaire. »

                    

                    Albert du Roy, journaliste, in La mort de l’information, Stock, 2007

Betancourt: piété et principe de réalité

                   "Le danger de cette compassion à tous les étages, de cette débauche de piété, est qu'elle pulvérise le principe de réalité. Pas d'événements, que des reporésentations. Pas de faits: que des interprétations. (...) La pitié est ainsi devenue une drogue médiatique. On se shoote avec elle. Mais, après la stimulation que provoque la "prise", c'est le moment de la "descente", puis de la dépression. On finit par avoir un doute sur le spectacle  auquel on a soi-même participé..."

                    Joseph Macé-Scaron, dans Marianne, à propos de la libération d'Ingrid Betancourt

Contre soi-même

                    « Le journalisme a ses règles qui doivent prévaloir sur les intérêts. A commencer par celle-ci : se libérer de ses propres préjugés, savoir penser contre soi-même. »

                    Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, reprenant ainsi l’expression de Charles Peguy, fréquemment utilisée aussi par Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde, fondateur de Mediapart

Arabes, Israéliens et Arabe israélien sur RFI

                    Auditeur de Ziguinchor (Sénégal), et internaute fidèle du site rfi.fr, M. Francis Pretat nous interpelle, ce mercredi 2 juillet, après le flash de 11h30 GMT :

                    « Vous parlez d'un "Arabe israélien" qui a été abattu par un Israélien (après une attaque avec un engin de chantier). Je viens de lire l'article sur votre site: vous écrivez un Palestinien abattu par un soldat. Pourquoi cette différence ?

                   « Je ne comprends pas comment vous pouvez utiliser ces termes d'ordre ethnique (ou culturel) concernant ces sujets particulièrement douloureux. Est-ce un choix de journalistes d'utiliser ces termes, tantôt précis ("arabe") tantôt indéfini ("israélien"). Ou alors précisez systématiquement "arabe " ou "juif" lorsque vous parlez d'Israélien, puisqu'il vous faut mentionner cette différence, mais alors je crains que vos sources ne soient suffisamment précises pour faire ainsi. Votre manière de décrire les faits de violence en Israël m'interroge régulièrement, c'est pourquoi je me décide à vous contacter cette fois-ci. »

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Les compétences en cause

                    « A partir du  moment où l’un des principaux reproches adressés, non sans raison, à la corporation, est son arrogance, sa propension à se constituer en aristocratie autonome et supérieure habilitée à demander des comptes à tout le monde sans être contrainte d’en rendre à personne, beaucoup ont sincèrement cru que le salut viendrait du tiers-état – d’honnêtes citoyens soucieux du bien public. (…) « Mes lecteurs en savent plus que moi ». Le hic est que cette séduisante formule est fausse. Que nombre de journalistes ne sachent pas grand-chose ne permet en rien de conclure que ceux qui ne le sont pas en savent plus. Au demeurant, la conception égalitaire du savoir, le refus de toute distinction et de toute hiérarchie auxquels Internet fournit une légitimité morale et une incarnation technologique, mettent en cause la compétence spécifique du journaliste, mais aussi toutes les autres. »

                     Philippe Cohen et Elisabeth Levy, in « Notre métier a mal tourné », essai, 232 pages, éditeur Mille et une nuits

L'Humanité communiste

                    Une auditrice de la région parisienne attire l’attention des différents rédacteurs de la revue de la presse française sur la qualification parfois donnée aux journaux cités.

                    « Je vous écris car je suis désagréablement surprise lors de mon écoute quotidienne de la revue de presse de la tranche d'informations du matin, après le journal de 7h30. Un seul quotidien est quasi systématiquement qualifié par un adjectif. Il s'agit de L'Humanité qui est présenté comme "le quotidien communiste" - ce qui est vrai - par les journalistes de la station (à part Emmanuelle Klotz, d'après ce que j'ai pu relever [mais j'écoute la revue de presse dans ma salle de bain, je ne prends pas de notes]).

Dialogue autour de l'administration gouvernementale

                    Fidèle auditrice de RFI, Catherine Fournet-Guérin hésite, ce jour-là, entre la rubrique critiques et la rubrique félicitations. « C’est bien souvent des félicitations que je voudrais vous adresser, tant j'apprécie la rigueur de RFI, qui constitue la source d'information internationale la plus fiable à la radio. J'écris donc pour une précision linguistique qui va à l'encontre de cette rigueur : on ne dit pas "l'administration Bush", mais "le gouvernement Bush": c'est une faute de traduction qui se répand dans les médias et c'est un contre-sens. Merci d'en tenir compte !

                    Dans un premier temps, tout en ayant fait suivre l’observation à la rédaction, le médiateur lui répond:

Crédibiliser ce qu'écrit le maître...

                    « J’ai la conviction qu’aujourd’hui, le reporter est totalement sous la coupe de l’éditorialiste. Envoyé sur le terrain, donc crédible parce qu’il « voit », il est d’abord là pour démontrer ce qu’écrit le maître… »

                    

                    Jean- Marie Bourget, grand reporter à Paris-Match, revue Le Débat, n°138

Le porte-à-faux du journaliste

                    « On comprend le malaise des journalistes, placés perpétuellement dans une situation de porte-à-faux, condamnés qu’ils sont à produire de l’information au cœur de l’industrie du divertissement, c’est-à-dire de la réflexion à l’intérieur de la fabrique planétaire d’émotion. Un sort qui, mutatis mutandis, évoque celui d’une carmélite qui serait contrainte de prêcher la vertu au milieu d’un Eros Center. »

                    Philippe Cohen et Elisabeth Levy, in « Notre métier a mal tourné », essai, 232 pages, éditeur Mille et une nuits

Félicitations, mais ... ne jouez pas aux Guignols

                    Auditeur fidèle et régulier, de Carthage (Tunisie), M. Badreddine Ouali nous écrit :

                    « Je me sens souvent en phase avec vos analyses et apprécie particulièrement votre liberté de ton et le large spectre des opinions exprimées sur votre antenne. Je suis donc particulièrement dépité lorsque, succombant à l'air du temps, vous exprimez de plus en plus des découpages politiques dans des pays très divers entre "le camp pro-occidental" et "le camp anti-occidental" et ce, dans différentes émissions (infos, décryptage, et même Idées etc.).

Analyser les choix de présence

                     « Quand on voit que le président de la République va se faire photographier avec tel groupe, telle personne dans le malheur, telle victime, on oublie les réalités qui sont occultées à ce moment-là. Si, comme journaliste, je faisais une page ou une colonne sur une visite de ce genre du président, je ferais deux colonnes à côté pour dire : voilà les situations occultées du jour. Il faut analyser les choix de présence…

                    Pierre Rosanvallon, historien, professeur au Collège de France et président de « La République des idées », interview à Mediapart.fr

Les chiens, les patrons, les guerres, et l'info

                    Au début du mois dernier, Didym’e Pambou-Dimina, « fidèle » auditeur congolais résidant à Douala, au Cameroun, saisit son clavier pour dire sa lassitude d’entendre toujours les mêmes informations :

                   « Je suis fatigué de suivre le Journal du Moyen-Orient ou d'écouter vos correspondants en Israël, à Gaza, en Irak ou au Liban. Finalement, quoi de plus facile que de présenter le journal du Moyen-Orient !

                   « En fait, qu'est ce que l'information ? Dire que "le chien a mordu son patron" est-ce une information ? En effet, n'y aurait-il pas d'autres "informations" que de nous parler de la guerre, du nombre de morts ! Nous voulons aussi connaître ce qui se passe là-bas : l'école, le marché, le sport, la musique, etc.

                   « Il me semble que l'information consisterait à nous dire surtout que "le patron a mordu son chien".

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Racisme et xénophobie

                     Cet auditeur africain de RFI en France s’interroge sur l’emploi des mots « xénophobie » ou « racisme » à propos des événements d’Afrique du Sud.

                    « Je voudrais savoir pourquoi dans le journal, les journalistes mélangent la xénophobie et le racisme.

                    « D’après moi, ce qui se passe en Afrique du sud c’est de la xénophobie, parce qu’ils sont contre les étrangers, et non pas le racisme parce qu’ils sont tous de la même race africaine, la race noire, qu’ils soient sud-africains, ou zimbabwéens ou mozambicains. Alors pourquoi les journalistes disent-ils «le racisme en Afrique du sud » et après ils disent « la xénophobie ».

                    « La xénophobie est une hostilité à l’égard des étrangers, donc ceux qui n’aiment pas les étrangers dans leur pays. Le racisme c’est le mépris pour les autres races, les autres races qui n’aiment pas les autres races, mais ce n’est pas ce qui se passe en Afrique du sud.

La vie en relief

                    « Le progrès technique à la fin du XIXème siècle a permis aux journalistes de sortir de leurs bureaux. Aujourd’hui, on assiste à un phénomène complètement pervers : le progrès technique ramène les journalistes derrière leurs écrans. Pas tous, mais de plus en plus. C’est au lié au fait qu’on ne croit plus à la culture, ni à la valeur du déplacement, à l’expérience de quelqu’un qui va voir… Sur Internet, on a toutes les informations du monde à plat. Or, la vie, l’histoire, la politique, ce ne sont que des choses en relief. Par conséquent, il faut se détacher de l’ordinateur et y aller. Tant que la presse dépensera de l’argent pour avoir des équipements interactifs formidables, et qu’elle dira que les reportages coûtent trop cher, elle sera à côté de la plaque. »

                    Dominique Wolton, sociologue des médias, directeur de recherches au Cnrs

Monfils, guadeloupéen et français

                    Réaction de vigilance justifiée ? Susceptibilité excessive ? Interprétation abusive ? Dénonciation judicieuse ? En tout cas, le sang de notre auditrice de la région parisienne ne fait qu’un tour, ce matin-là, quand elle entend parler sur les antenne de RFI, de la performance du « tennisman guadeloupéen » Gaël Monfils.

                    Son commentaire n’est pas tendre : « Comment un journaliste peut-il se permettre de le nommer "guadeloupéen" au lieu de « français »? N'est-il pas le seul à faire honneur à la France en restant le seul en lice alors que tous les autres ont été soit battus, soit ont abandonné avant même de commencer?