La vérité sans prétention

                    Envie d'appliquer au journaliste cette conclusion de Jacques Julliard, à la fin d'un débat sur l'historien (Nouvel Observateur du 9 octobre):

 "Autrement dit, si sa profession est de chercher la vérité, il doit se garder comme du diable de prétendre la détenir."

Juppé et la presse: quels rapports?

         

"J'ai des relations passionnelles avec la presse. Ma femme me dit: "Tu ne comprends pas ce que c'est qu'un journaliste. Un journaliste n'est ni un ami, ni un adversaire. C'est un professionnel. Or toi, tu les traites en amis, tu leur dis tout, et ensuite tu n'es pas content quand ils le répètent. Soit tu les considères comme des adversaires et tu ne veux pas les voir. Il faut que tu les considères comme des pros. Un pro, c'est quoi? Quelqu'un qui cherche de l'info. Tu leur en donnes ou pas. Tu calibres ce que tu veux dire. C'est comme cela qu'il faut faire."(1)

          "Je tutoie peu. Je pense que le tutoiement est une marque de proximité, et il ne faut pas être proche de tout le monde, sinon on n'est proche de personne..."

         

Alain Juppé, ancien premier ministre, in Medias n°18, automne 2008

(1) Isabelle Juppé a été journaliste politique, notamment à La Croix

Fatalisme et candeur

                    "Il faut combattre une forme de fatalisme, assez répandue chez les journalistes, enclins à manifester plus de sens politique quand ils analysent les querelles de courant au sein d’un parti, que les rapports de force dont dépendent les conditions d’exercice de leur métier. Il y a, dans cette corporation, un mélange de candeur et d’« àquoibonisme »..

                    

Vincent Hugeux, président de la société des journalistes de L’Express

Rapport 2007-2008 du médiateur: le texte central

rfi
Radio France Internationale

Rapport du médiateur

Septembre 2008

                                      Avertissement

Le présent document est le second rapport dans l’histoire de la médiation  à RFI. Il ne reprend pas les éléments fondamentaux du premier rapport remis en septembre dernier, dont la lecture pourra très utilement baliser la réflexion sur cette tâche et son évolution. Sans vanité d’auteur, le médiateur ne peut qu’en recommander la (re)lecture, car il n’a rien à y retirer.

Le présent rapport analyse l’activité des douze derniers mois et actualise les éléments de réflexion sur cette fonction à RFI.

Sommaire

I. L’activité du médiateur

I.1. L’accueil des interpellations
I.2. Le traitement des interventions
I.3. L’animation du blog
I.4. L’intervention à l’antenne   

II. Les préoccupations des auditeurs 

II.1. A travers la myriade des courriels 
II.2. A travers les interpellations directes du médiateur
II.3. Le cas Moussa Kaka

III. Questions posées à la médiation

Annexe 1: "Note au matin" du 23 janvier 2008

Voici l'exemple d'une des "notes au matin" adressées par le médiateur aux présentateurs de journaux, sur la suggestion de l'un d'entre eux. Elle porte sur l'objectivité de l'information.

Analyse subtile d’un universitaire norvégien auditeur de RFI :

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MESSAGE
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Madame, Monsieur
J'apprécie beaucoup les émissions de RFI qui au contraire des radios "métropolitaines" est très ouverte à l'actualité internationale. Néanmoins j'aimerais exprimer ici un vif reproche. Que les opinions politiques de la rédaction transparaissent dans les débats me semble inévitable et somme toute naturelle, mais une radio qui se veut internationale se doit, si elle aspire à être crédible, s'en tenir au faits dans son journal.
J’espère que la rédaction appréciera ici la critique constructive d’un fidèle auditeur. Respectueusement.
Dr. Jean-Luc Boulland (PhD)

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Annexe 2: Médiation, violence, Kenya et dialogue

Voici l’intégrale des échanges avec un auditeur, assez mal engagés sur une question difficile, mais que le médiateur considère comme assez exemplaire par le respect non dénué d’humour que se portent les interlocuteurs, et par la participation des journalistes concernés.

On consultera aussi, pour l’équilibre, la chronique d’une médiation ratée, insérée sur le blog en date du 5 février :

05 février 2008 Transparence et exagérations: un ratage de médiation

 

De: Philippe Zloczewski

Date: ven. 01/02/2008 11:48 À: Médiateur

Objet : de/from Dr Philippe ZLOCZEWSKI

Monsieur le Médiateur,

Annexe 3: A tu et à vous

Voici le texte publié après l’émission de l’Atelier des médias consacrée au tutoiement et au vouvoiement à l’antenne Par fonction et par nature J, le médiateur donne rarement un avis sans y avoir un peu réfléchi. On pardonnera donc le raisonnement, en trois parties comme à Sciences Po (dont je ne sors pas, ce qui m’évite et m’a évité bien des tutoiements), mais qui tente de rassembler tous les éléments argumentaires énoncés et entendus. Bien entendu, la question ne se pose qu’à l’antenne : dans les couloirs, le courrier et sur les blogs privés, on fait ce qu’on veut…

  1. les  3 inconvénients du tutoiement

-         cette « complicité » affichée exclut le public qui « n’en est pas » : pas de problème dans un chat entre blogueurs, mais difficulté pour intégrer les autres (milliers, millions d’) auditeurs dans une émission.

Annexe 4: la liste des médiateurs

Voici la liste des médias français disposant d’un médiateur, au 1er septembre 2008. Ceux-ci sont regroupés dans un « club » informel d’échanges, initié par Patrick Pépin, alors médiateur de Radio France, et aujourd’hui présidé par Marie-Laure Augry, médiatrice de France 3

France Télévisions (programmes) Alain LE GARREC                alain.legarrec@francetv.fr   

               

RFO                                            Anastasie BOURQUIN       anastasie.bourquin@rfo.fr                   

France 2                                      Christian-Marie MONNOT     cm.monnot@france2.fr                       

France 5                                       Eric MARTINET               eric.martinet@france5.fr

Annexe 5: le cas Moussa Kaka

                    Voici la succession des chroniques publiques consacrées par le médiateur au cas de Moussa Kaka, en dehors des réponses individuelles à chaque auditeur. Elles témoignent de la difficulté à réfuter les syllogismes, à ébranler les convictions parfois aussi sincères qu’erronées.

21 juillet 2007

Niger et censure

     Cette auditrice de RFI à Cergy, ingénieur statisticienne, dans un message adressé à Juan Gomez, « félicite l’équipe pour son travail ». Nous y sommes bien évidemment très sensibles. Mais l’objet de son message, transmis au médiateur, concerne surtout le Niger : « Je suis de très près la situation actuelle au Niger et je voudrais en savoir plus..."

    

Annexe 6: Florilège d'interpellations

Voici une sélection des différents types de messages reçus par le médiateur : parfois agressifs, parfois mesurés, toujours, ou au moins le plus souvent, marqués par une grande confiance, ou au moins une grande attente vis-à-vis de cette radio que les auditeurs vivent, vraiment, comme la leur.

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Cher Monsieur, Je vous écris parce que je ne sais pas à qui m'adresser. J'aimerais retrouver une information sur l'eau qui est passé lundi 13 août vers 20h20 heure française et je n'arrive pas à trouver sur votre site. Je vous serai reconnaissant de me dire comment je peux avoir cette information. Il s'agit de l'adduction d'eau en Afrique qui coûterait 10 milliards par an et ce ne serait que la somme utilisée pour 5 jours d'armement au niveau du monde. Avec mon amitié et mes félicitations pour cette radio que j'apprécie beaucoup.

Rapport 2007-2008 du médiateur

Bonjour,

Couvrant la période septembre 2007 - août 2008, le deuxième rapport annuel du médiateur de RFI est publié ce jour sur ce même blog, dans la rubrique "textes de référence" (cliquer sur la colonne de gauche), comme l'a été le premier rapport le 5 novembre dernier.

On trouvera ci-dessous l'exergue de ce rapport, puis sous la rubrique indiquée, le texte principal, et les annexes.

Bien cordialement à tous.

Loïc Hervouet

A Michèle RAKOTOSON

infatigable ouvrière, sensible et attentive,

de l’écoute et du dialogue interculturel,

et à travers elle, à présent retournée au pays,

à tout le service de relations avec les auditeurs,

qui poursuit cette tâche vitale dans une radio mondiale

qui se voudrait aussi universelle.

Engagement et journalisme

                    "A vrai dire, mon époque est celle, révolue en Occident, de l'engagement, de la culture et de la militance, qui autorisait à publier des articles partisans, qui, peut-être, à cause de cette intensité, ne faisaient pas toujoiurs preuve d'objectivité, ni ne respectaient les lois fondamentales de notre métier. Prenons la décolonisation: nous avions pris le parti des victimes. (...) Toujours cette notion d'engagement! Je ne la défends plus du tout."

                        Jean Daniel, cofondateur du Nouvel Observateur, entretien dans Medias n°18, septembre 2008

Le médiateur, le cas Labévière et le Proche-Orient

                         Depuis la fin du mois d’août, le médiateur a été saisi par plusieurs dizaines de courriels (77 exactement à cette heure), s’interrogeant, et dans leur grande majorité protestant contre la procédure de licenciement engagée le 12 août dernier à l’égard de Richard Labévière, rédacteur en chef à RFI et animateur de l’émission « Geopolitique, le débat ».

                         Par certains articles de presse, par une pétition, la question est d’ailleurs devenue en partie publique. Et le médiateur mis au défi de s’expliquer.

                         Le silence, de tous côtés, lui vaudrait sûrement moins d’ennuis. Il pense aujourd’hui nécessaire de prendre la parole, même si c’est modestement, dans la mesure où sa fonction relève de la « maintenance » de la relation de confiance entre RFI et ses auditeurs.

Rapport du médiateur: le cas Moussa Kaka

                    En début de cette semaine, le médiateur de RFI a remis au nouveau président son rapport annuel 2007-2008, qui sera rendu public lundi prochain. A quelques jours près, ce rapport a été publié alors que le correspondant de RFI au Niger, Moussa Kaka, aura passé une année de détention dans les prisons nigériennes, accusé formellement de « complicité d’atteinte à la sécurité de l’Etat », rien de moins.

                    C’est en effet ce vendredi 19 qu’une mobilisation est renouvelée autour de l’anniversaire de cette mis en détention.

                    Ci-dessous, la partie du rapport qui traite du cas « Moussa Kaka », et l’annexe 5 du même rapport, qui regroupe les interventions depuis le début de l’affaire.

   

Chapitre II.3. du rapport :

                    Il est toujours difficile de traiter d’une question dans laquelle une solidarité naturelle d’entreprise et de profession risque de ne pas rendre crédible une prise de position indépendante.

Tirs en RDC: information et démenti

                    En cette matinée de mercredi,une auditrice de Kinshasa, réagit assez vivement à une information qu’elle vient d’entendre sur RFI.

                    « Je ne suis pas une politicienne, je réagis à propos de l'information que Ghislaine Dupont a donné ce matin sur les tirs qu'aurait essuyé le cortège du président Joseph Kabila et que Sarah Tysseire a démenti cet après-midi à l’antenne. »

                    Et de commenter : « Je voudrais savoir pourquoi votre correspondante Ghislaine Dupont donne des informations sur la RDC sans les vérifier. N'est-ce pas une façon de vous disqualifier et d'hypothéquer la réputation de votre radio mondiale, comme vous aimez la proclamer. Pourtant, nous respectons beaucoup la RFI que nous suivons beaucoup. »

                    « Est-ce que la RFI n'est pas derrière NKunda? Je m'excuse en vous posant cette question. Pouvez-vous me répondre svp ? »

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Enquêtons :

Le bruit d'abord...

                    "On assiste aux dérives déplorables de l’information spectacle : le bruit d’abord, le sens après. Rapidité, rentabilité : autant dire périls pour la démocratie et la capacité des citoyens à faire des choix responsables."

                    

          Michaëlle Jean, ancienne  journaliste, gouverneure générale du Canada, interview à la revue Médias, n°16, printemps 2008

Le déni du réel

                    « A Paris, on ne veut surtout pas comprendre. On a déjà le titre de l’article qu’on m’a commandé, je n’ai qu’à m’y adapter. Tous les ingrédients de la réécriture de l’actualité sous la forme du récit de l’affrontement entre le bien et le mal, entre les forces de la lumière et celles des ténèbres sont prêts. (…) Autoritarisme borné, conformisme, déni du réel, manichéisme : tout ce qui, au fil des ans,  me conduira à être de plus en plus critique sur la profession apparaît dans ce sombre épisode. (…) Me voilà déniaisée : le journaliste est prié de choisir son camp. Contre le réel s’il le faut. »

          Elisabeth Levy, à propos d’un reportage en Algérie, in « Notre métier a mal tourné », essai, 232 pages, éditeur Mille et une nuits

Hiérarchie et parti pris de l'info

                    Auditeur de Douala, M. Sone Sone se déclare auditeur « depuis très très longtemps », et « ne passe pas un jour sans suivre RFI au moins douze heures d’affilée. »

                   

                    Ceci ne l’empêche pas d’être critique, très critique même, vis-à-vis de positions qu’il prête à RFI. A la suite d’un premier échange et pour montrer qu’aucune question n’est taboue, le médiateur a pris l’initiative de proposer la publication de ses observations, et de ses analyses, que voici sous sa responsabilité:

          « Il y a une constance dans vos informations, dont je voudrais vous faire part et pour laquelle je suis plus que consterné :

         

Journalisme citoyen et journalisme d'investigation

                    « Le « journalisme citoyen » est la fin du journalisme. Si tout le monde est journaliste, plus personne ne l’est. »

                    

« Le journalisme d’investigation entretient une périlleuse confusion des genres, qui fait du journalisme une police sans loi, une justice sans droit, une inquisition sans foi… »

        

          Jean Lacouture, journaliste et écrivain

Trop tôt ou trop tard?

                    « Le progrès technique facilite les dérapages, mais ceux-ci sont en réalité provoqués par une mauvaise maîtrise de la concurrence. Pour tout événement qui mérite vérification, recoupement, complément d’enquête, analyse ou réflexion, c’est à dire pour beaucoup des faits qui composent l’actualité, rien n’empêche de prendre le temps nécessaire, de ralentir le processus de diffusion ou de fabrication. Rien, sauf la concurrence, la peur de voir l’autre publier ou diffuser plus vite. L’exactitude, la clarté, la pertinence, ne sont certes pas absentes des préoccupations éditoriales, mais il est beaucoup plus fréquent de voir une rédaction se désoler d’avoir été grillée par sa rivale, que s’affliger d’une inexactitude, d’une approximation, d’une conclusion hâtive. Mieux vaut l’à-peu-près que le trop tard ! »

                   

                    Albert du Roy, journaliste, in La mort de l’information, Stock, 2007